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C'est notre Maroc
14 février 2009

Budget 2009 : Une touche sociale?

Dans un contexte marqué par une crise financière mondiale étouffante devant avoir des répercutions nettes sur l'économie réelle nationale surtout en ce qui concerne les investissements étrangers directs, le tourisme ou encore le transfert des MRE. Sur le plan social, il est clair que le pouvoir d'achat de la classe moyenne avait été érodé à cause des hausses successives des prix des matières de première nécessité. Tel est le contexte général de la préparation du projet de loi de finances 2009. Le Roi en avait déjà tracé les priorités. . Nous sommes face au premier projet de loi de finances entièrement élaboré par l'actuel gouvernement qui fait du social sa priorité n°1…

Il fallait juste que Le Roi fixe les grandes orientations de l'Etat pour que le projet de loi de finances pour l'année 2009, vienne traduire ces priorités. La dimension sociale par excellence. C'est ce qui ressort de la lecture des 74 pages du projet de budget de l'année prochaine. L'éducation nationale, la santé et l'agriculture, se taillent la part du lion des crédits ouverts pour différents départements ministériels et institutions publiques. Il s'agit, entre autres, bien entendu, des priorités royales. Cette dimension sociale concrétisée par le projet de loi de finances 2009, occupe quelque 53% du budget général. Une part très signifiante qui laisse le premier ministre Abbass El fassi et son ministre de l'économie et des finances, Salahddine Mezouar, se vanter d'avoir honoré le programme gouvernemental qui se veut social. Apparemment, Mezouar  n'aurait pas de difficultés à respecter les engagements sociaux du Gouvernement, surtout si l'on sait que les recettes atteindront, selon les prévisions budgétaires, quelques 294 milliards de DH en 2009, soit une augmentation de l'ordre de 23% par rapport à l'année en cours.

Des mesures concrètes allant de la baisse de l'IR dont le taux marginal passe de 42% à 40%, jusqu'à l'exonération ou sa prorogation pour certains secteurs notamment l'agriculture, dont les activités continueront de bénéficier de ce privilège jusqu'au décembre 2013. A cela, dialogue social exige, s'ajoutent d'autres mesures à savoir, le doublement du montant de réduction pour charge de famille qui va passer de 180 DH à 360 DH par personne à charge dans la limite de 6 personnes, soit un montant de 2.160 DH, ou bien encore, le montant des allocations familiales qui passe de 150 DH à 200 DH pour chaque enfant. Bonnes intentions. Mais de telles mesures, sont-elles à même d'améliorer le pouvoir d'achat avec cette flambée des prix des matières de première nécessité?

La baisse de l'IR, profite-elle à la classe moyenne?

Avec le relèvement du seuil d'exonération de 24.000 DH à 27.000 DH, Mezouar n'a pas tenu ses promesses. Il s'est engagé, rappelons-le, lors du vote de la loi de finances de 2008, à fixer le plancher de l'exonération à 30.000 DH. En tout cas, la révision du taux de l'IR concerne toutes les tranches mais il paraît qu'il s'agit des mesures insuffisantes pour faire émerger la classe moyenne. Si l'on compare la tranche allant de 60.001 DH à 150.000 DH avec un taux de 38% et celle des revenus qui dépassent 150.000 DH, avec un taux de 40%, on peut facilement en déduire que celui qui touche un salaire annuel de 70.000 DH, par exemple, est assujetti pratiquement au même taux de l'IR que celui qui touche 300.000 DH. Les spécialistes, expliquent que les nouvelles mesures de l'IR ne profitent pas à la classe moyenne puisque cette dernière ne gagnera que quelques dirhams, alors que ceux qui reçoivent les salaires les plus élevés  bénéficieront de milliers de dirhams. Il faut qu'une autre tranche soit créée pour ceux dont le salaire annuel dépasse 300.000 DH avec un taux conséquent, ajoutent-ils. Par ailleurs, si le projet prévoit une baisse du taux de l'IR en proportion avec les tranches correspondantes, il vient en contre partie relever le taux de TVA pour certains produits comme le péage autoroutier (déjà cher par rapport au pouvoir d'achat des marocains), le savon et les aliments servant à l'alimentation des basses-cours. Ces produits, entre autres seront taxés de 10% au lieu de 7% actuellement. Ce qui va, outre le fait d'alourdir les factures de petits agriculteurs et éleveurs, amener à une hausse des prix des viandes. Une autre matière, vitale cette fois-ci, qui aurait pu être également touchée par cette mesure, à savoir, l'eau potable et les prestations de l'assainissement. Mesure aux conséquences lourdes sur les budgets des ménages en particulier. Heureusement, ça n'a pas affranchi l'étape du Conseil du gouvernement.

La polémique de l'IS

Les mesures fiscales concernent aussi une réduction de l'IS de 10% du montant de l'augmentation du capital pour les PME réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 50 millions de DH. Si cette mesure sert à inciter à la capitalisation des PME, la CGEM met le point sur les droits d'enregistrement qui restent "très élevés". Il semble que cette mesure ne plaît pas à la CGEM qui requiert, en fait, l'instauration d'un droit fixe de 200 DH  au lieu du droit promotionnel de 1,5% instauré par la loi de finances 2008. Mesure jugée "inopportune au moment où les sociétés marocaines sont sous capitalisées".  Toujours en ce qui concerne l'IS, la confédération patronale réclame l'établissement d'un barème progressif. Lequel barème permettra de classer les résultats fiscaux et de les fiscaliser par tranche. Une telle mesure devant profiter aux petites entreprises soumises à l'IS. Et ce par l'instauration du taux de 15% pour la tranche du résultat fiscal égal ou inférieur à 500.000 DH et 30% pour le surplus. Cette disposition conduira aussi, selon la CGEM, "à encourager certaines de ces petites entreprises à quitter définitivement le secteur informel et de passer vers le secteur organisé", et par conséquence, "un élargissement potentiel de l'assiette fiscale". Raisonnement logique. Mais comment palier le problème des bilans fiscaux déficitaires d'au moins 60% des entreprises inscrites à l'IS?...

L'éducation nationale et la santé décrochent le gros lot

Décortiquons à présent les budgets sectoriels. On peut remarquer facilement que les gros lots seront attribués à l'éducation nationale avec une augmentation de l'ordre de 23% de son budget à 46 milliards de DH, suivie de la santé qui décroche de 9,7 milliards de DH, soit une augmentation de plus de 20% par rapport à l'année en cours. Pour l'éducation nationale, ce grand budget aidera à minimiser le taux de la déperdition scolaire, mais aussi à créer des conditions favorables tant pour le corps enseignant que pour les élèves. Ainsi, l'objectif gouvernemental est d'atteindre un taux de scolarité de 95% des enfants entre 6 et 11 ans à l'horizon 2012. Plus de 1.000 établissements entre collèges et lycées seront construits, ainsi que des milliers de classes pour le primaire et le préscolaire. Les conditions de travail des enseignants dans le monde rural seront améliorées avec la construction de 10.000 logements. Une partie de ces mêmes logements serviront comme internat pour les élèves issus de douars éloignés. Mesure prise pour lutter justement contre le fléau de la déperdition. Celle-ci devra être ramenée à 2,5% au lieu de 5,7% actuellement. Un programme de grande envergure. Certes! Mais le problème réside dans le fait que tous ces investissements n'absorberont qu'environ 5,6 milliards de DH, pour affecter un peu plus de 40 milliards de DH aux dépenses de fonctionnement. C'est une remarque récurrente de ce projet de loi. Le budget de la santé n'en fait pas exception. Pour faire fonctionner ce secteur, l'Etat déboursera plus de 7 milliards de DH pour 2009 contre seulement 2,5 milliards de DH comme dépenses d'investissement. Avec cet argent, l'Exécutif compte construire 12 hôpitaux locaux et trois centres hospitaliers à Fès, Marrakech et Oujda.  Le gouvernement s'engage aussi à mettre à niveau 37 hôpitaux provinciaux et locaux.

L'agriculture : mesure contestée

Les revenus agricoles seront exonérés d'impôt sur le revenu jusqu'à décembre 2013. Mesure apaisante pour les petits agriculteurs, mais qui ne manque pas aussi de doper encore plus les fortunes des grands propriétaires et exploitants au détriment de la trésorerie de l'Etat. Quelques économistes que nous avons contactés ont tous exprimé leur étonnement  envers la persistance de l'Etat dans l'exonération des revenus liés à l'agriculture. Conduite qui montre, selon eux, l'absence, chez l'Etat, d'une vision stratégique de ses intérêts. En tout cas, cette prorogation de l'exonération des revenus agricoles n'émane pas du gouvernement. Elle a été instruite, rappelons-le, par S.M. le Roi lui-même lors de son discours du 20 aout dernier. Le Roi avait alors engagé le gouvernement "à mettre en place un régime d'impôts en matière agricole, fondé sur les principes de justice fiscale et de solidarité sociale". Attendons donc 2014 pour que ce régime fiscal soit adopté et appliqué.

L'article 51 de la constitution : débat constitutionnel?

Une question qui hante l'opposition. Il s'agit du "veto" gouvernemental pour toute proposition de l'opposition qui tente de soulager un peu le contribuable. S'agit-il d'un recours légitime? Pour répondre, il nous suffit de relire ce fameux article 51 de la constitution. Ce dernier stipule, à la lettre, que : "Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la loi de finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". Une première lecture de cet article permet de constater que ledit article parle de "la loi de finances", alors le recours du gouvernement à ce veto se passe lors de la discussion du projet de loi. Ce n'est pas encore une loi. Sinon, se demande un juriste, à quoi bon sert cette discussion, si le gouvernement prend le dessus et étouffe les propositions? Il est temps d'ouvrir un débat à ce propos. En attendant, une reforme constitutionnelle, ne serait-ce que partielle, s'impose. Ou alors condamner le gouvernement à ne plus avoir recours à ce privilège lors de la discussion du projet de budget. Le débat est désormais ouvert…

Mohiddine KENFAOUI (Le Mensuel : Décembre 2008)

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